Un musée virtuel destiné aux personnes qui ont
à coeur le patrimoine maritime du Québec au temps où
le "chemin qui marche" était la voie privilégiée de communication.
Section 5En guise de conclusion
Mack et Molly Mackay devant la caboteur EDDEE H au début des années 1950.
Collection Mac Mackay
Grâce à leur bravoure, leur génie inventif et leur labeur, les maîtres-charpentiers, les capitaines et leur équipage ainsi que les femmes qui devaient prendre en charge une famille souvent trop nombreuse, ces gens d’ici auront contribué d’une façon significative à l’évolution et au développement de leur territoire. Les caboteurs en bois motorisés du Québec ont sillonné durant plus d’un demi-siècle ce fleuve St-Laurent qui n’était pas toujours « bien disposé » à leur égard. Il en a engloutit plus d’un et il apportait avec lui des vies humaines si précieuses à la communauté.
Dur métier, même si les « acteurs » principaux disent souvent encore aujourd’hui qu’il n’y avait rien d’extraordinaire là-dedans. Ils ne faisaient que gagner leur vie. Ils n’avaient pas plus de mérites que d’autres selon leurs dires. Bien sûr qu’il y avait d’autres métiers tout autant ardus à l’époque (cultivateur, bûcheron, draveur…) mais, en plaçant tout cela en perspective, les gens de la mer ont ouvert des marchés pour l’écoulement de leurs produits locaux. Ce fut d’abord le produit des activités agricoles qui, grâce à ces petits bateaux (d’abord à voile), ouvraient la voie à de nouveaux marchés pour écouler leurs légumes, leurs viandes et leurs fruits. Ainsi, l’isolement géographique devenait chose du passé.
L’évolution des choses aura fait en sorte qu’on modernisait ses moyens de transport par bateau en tout premier lieu du fait que les voies de terre n’étaient pas suffisamment praticables pour s’assurer d’une économie de temps et d’argent. Longtemps, le « chemin qui marche » demeura la voie privilégiée de transport et ce, même après l’arrivée des trains dans diverses régions. La motorisation des caboteurs en bois apporta aux propriétaires une meilleure régularité dans les horaires et beaucoup d’économies en temps. De plus, il devenait beaucoup plus facile de surmonter les obstacles du fleuve, tant et si bien que des marchés tels que Montréal et les Grands Lacs (via le canal Lachine, Soulanges et autres) étaient maintenant à leur portée.
L’augmentation du tonnage apporta aussi son lot d’avantages. Cependant, la construction de bateaux de bois avait des limites physiques, tant en matière de dimensions que d’âge. Ils vieillissaient mal, surtout en eau salée. Ils devaient être réparés souvent. Heureusement qu’au niveau mécanique, la fiabilité des moteurs s’est grandement améliorée avec le temps. Enfin, ces limites avaient aussi un lien avec l’accessibilité de certains secteurs riverains. Le tirant d’eau des caboteurs pouvait alors limiter l’accès à quelques battures ou quais. En d’autres lieux, cela pouvait par contre devenir un avantage.
Après la guerre, la construction de routes s’intensifia et un compétiteur de taille fit son apparition : le camion. Il avait l’avantage de prendre la marchandise à son lieu d’extraction ou de fabrication d’origine et de le mener dans un temps beaucoup plus intéressant pour les marchands à leur destination. Cette « invasion » ne se fit pas sentir immédiatement car il y avait encore des régions où la route n’était pas suffisamment développée et que des gros projets de développement étaient sur le point de se concrétiser. C’était le cas de la Côte Nord. Ceci entraîna une prolongation de l’espérance de vie des capitaines et de leurs caboteurs car, à cause de sa géographie, ils étaient les seuls à pouvoir se rendre dans ces territoires nouvellement exploités.
En parallèle, la fin de la guerre fit en sorte qu’on rendait disponible aux transporteurs une très grande quantité de bateaux de diverses formes (chalands, péniches de débarquement et autres). On traversait même l’Atlantique pour s’en procurer en Angleterre. On en acheta pour le cabotage. Ces « bateaux de fer » étaient plus solides, plus gros et du fait qu’il y avait de plus en plus de quais, leur accès devenait plus facile. Le fond plat de certaines catégories devenait aussi avantageux pour des quais en eau peu profonde le long de notre fleuve.
Dès le début des années 1950, on sentait le vent tourner et la construction de caboteurs en bois diminua d’une façon marquée. On se risqua quand même d’en construire jusqu’en 1959.
Les années 1960 et 1970 en furent de misère pour une bonne partie des capitaines artisans et même ceux qui s’étaient regroupés en compagnies. Graduellement, elles disparurent du fleuve pour se retrouver dans les Antilles, ou comme bateaux pour le tourisme (restaurants, parc d’attraction, exposition flottante ou non, bateau d’excursion ou de promotion). Les caboteurs qui n’avaient pas trouvé preneurs étaient recyclés, brûlés ou allaient mourir lentement sur les battures de l’Île-aux-Coudres, Saint-Joseph-de-la-Rive, Petite-Rivière-St-François, l’Île d’Orléans, St-Jean-Port-Joli, Rimouski, Le Bic, Matane et ailleurs. Le vent, la glace, la neige et la pluie auront tôt fait de les rendre méconnaissables.
Ainsi s’achève une période riche de notre histoire maritime qui s’est déroulée sur notre fleuve St-Laurent. Aujourd’hui, ce chemin est utilisé dans la plupart des cas par d’autres que nous. Il y a cependant le Groupe Desgagnés dont les fondateurs étaient des capitaines ou des marins de Charlevoix ayant œuvré sur des caboteurs de bois motorisés. Il est prospère et les bateaux utilisés sont de plus en plus gros. Ils conservent quand même cette vocation de desservir surtout notre population et ce, jusqu’au grand nord. D’autres compagnies comme le Groupe Océan sont aussi à l’oeuvre sur le fleuve. Ayant acquis l’ancien chantier de St-Bernard-de-l’Île-aux-Coudres, ils ont plutôt une vocation de service (remorqueurs, dragage). Notons cependant que durant plusieurs années, ils ont construit des bateaux, surtout des remorqueurs. Récemment, ils ont réalisé un nouveau type de bateau pour le dragage, l’OCEAN TRAVERSE NORD. Enfin, il existe encore des chantiers maritimes mais le seul qui réussit vraiment à remplir complètement sa vocation par les temps qui courent est le Groupe Verreault de Les Méchins. Cette compagnie est prospère et elle effectue surtout de l’entretien et des réparations de navires de toute sorte. Ils ont longtemps œuvré dans le domaine du dragage, élément essentiel pour l’entretien des voies navigables, de l’échelle régionale à l’échelle locale.
À suivre...
En toute sincérité,
Robert Desjardins
Professeur honoraire, associé au Département de géographie, Université du Québec à Montréal
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